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26 novembre 2008 3 26 /11 /novembre /2008 10:16

De la rivière Juba au lac Stéphanie, les terres semi-arides du Sud éthiopien et du nord du Kenya sont le territoire exclusif des Borena, qui ont su dompter cet environnement hostile.

 

 

Les Borena sont les descendants des premières tribus oromo établies dans le Sud éthiopien au 15ème et 16ème siècle, et qui ne seront soumises à l’Empire abyssin qu’à la fin du 19ème. Parmi les Oromo, ils sont d’ailleurs considérés comme issus de la lignée la plus pure et la plus ancienne ayant su conserver un mode de vie traditionnel ancestral.

Alors que tant d’autres ont vécu l’acculturation au contact d’ethnies voisines, eux sont demeurés d’indéfectibles pasteurs semi-nomades, dépendant exclusivement pour leur subsistance de leurs troupeaux de zébus et refusant toute autre activité manuelle que la collecte du sel, vitale pour leurs animaux.

 

L’organisation sociale est basée sur un système de classes d’âge, le gada, déterminant entre autres l’âge auquel les hommes peuvent se marier et donc devenir père. Toute naissance avant cette période étant considérée comme irrégulière est sanctionnée. L’ensemble du système est soumis à l’autorité d’une assemblée exécutive, le goumi gayo, placée sous la direction d’un chef spirituel, l’aba gada, qui, durant une période de 8 ans, préside les réunions coutumières au cours desquelles se règlent les conflits. Bien que largement islamisés, les Borena demeurent profondément animistes et vénèrent Waq, le dieu du ciel, tout en perpétuant des rites impliquant arbres et animaux.

Pendant longtemps, les Borena ont été de redoutables guerriers, prêts à combattre pour la défense de leur territoire. Mais au-delà d’une simple idée d’autodéfense, le meurtre d’un autre homme était considéré comme une question d’honneur pour tout homme en âge de combattre. Ainsi, un tueur reconnu peut se prévaloir du qualificatif envié de diira ou “virile”, et se parer de décorations spécifiques qui lui attirent les faveurs des jeunes filles à marier.

 

Parmi les nombreux attributs symboliques qui subsistent (l’ororo, un grand bâton, et le tchicho, un fouet rituel, sont les attributs du chef de clan ; l’épouse reçoit lors du mariage une calebasse, symbole d’abondance, et portera une parure de grelots après la naissance du premier enfant mâle…), le kalacha est sans doute le plus énigmatique. Ce petit objet de métal, de forme phallique, que les hommes portent sur le front pendant les rituels de passage, des gada, rappelle peut-être la coutume qu’avaient les guerriers de se laisser pousser une houppe de cheveux sur le crâne, symboliquement associé à un pénis en érection. Ou peut-être un souvenir de la pratique curieuse des Oromo combattants qui arboraient à leur front les parties génitales de leur ennemis terrassés… Très proches des Konso, à qui ils s’en remettent pour la confection de leurs kalacha, les Borena restent aujourd’hui encore les ennemis jurés des Hamer.

 

Source : Le Petit Futé : Ethiopie (Edition 2005/2006

 

 

 

 

 

 

 

Depuis les profondeurs de la terre, l’eau surgit de main en main au rythme d’une litanie obsédante. Variant le ton et l’intensité des voix, le maître du chant règle la cadence de travail comme l’accès des bêtes aux abreuvoirs, afin qu’aucune goutte ne se perde…

 

Tels sont les “puits chantés” des Borena, véritables merveilles d’organisation logistique et de poésie. Alentour, à perte de vue, il n’y a rien que de basses collines calcinées et des plaines écrasées de soleil. Le sol est couvert de broussailles épineuses trouées, çà et là, de touffes d’herbes desséchées que malmène un vent impétueux. Autour de Dublock, à mi-chemin de Yabello et de la frontière kenyane, le paysage semble dénier tout espoir de survie aux hommes comme aux animaux.

Dublock est l’un des points d’eau les plus importants de la région, l’un des rares à rester en activité au cœur de l’interminable saison sèche. Nul ne peut dire exactement quand et par qui ont été creusés les quelques vingt puits, forés dans la roche vive sur des dizaines de mètres de profondeur avec une technologie supposée primitive. Un travail énorme, réalisé par une société riche pourvue de moyens considérables et d’une remarquable organisation.

 

Une volée de hautes marches de pierre mène au fond du trou, jusqu’à la source. En faire remonter l’eau à la surface du sol est une tâche difficile et épuisante, qui implique la participation de dizaines d’hommes. S’ils veulent survivre, eux et leur bétail, ces pasteurs doivent pourtant s’y astreindre.

 

 

Dans un tel environnement, le nomadisme est le seul mode de subsistance possible. La vie des Borena dépend exclusivement de celle de leur bétail, leur seule source alimentaire, leur seul bien.

Chèvres et moutons fournissent le lait et la viande en abondance, tandis que les ânes et les chameaux servent surtout comme animaux de bât et monnaie d’échange.

Quant aux bovins, ce sont eux qui donnent la vraie mesure de la richesse d’un homme et de son statut social. Les Borena nourrissent un amour viscéral pour leurs troupeaux.

La vache est tout pour eux point de référence culturel, symbole de pouvoir, elle fait l’objet de rituels complexes, fait les frais des sacrifices religieux et sert de monnaie dans les tractations de mariage. C’est en têtes de bovin que se paient les offenses. Une réparation dont le montant versé à la victime par le coupable dépend de la gravité du crime commis. Les sanctions peuvent être lourdes. Ainsi, le prix d’une insulte équivaut à un bœuf, un vol de bétail aux dépens d’un membre de la tribu vaut une amende dont le montant s’élève à cinq fois celui du larcin, et il faut un troupeau de cent têtes pour se laver d’un meurtre. Les bovins d’Afrique orientale, ces zébus à l’échine bossue, méritent bien une telle estime! D’une extrême robustesse, résistants à la plupart des maladies, ils supportent d’interminables migrations à travers les déserts pour découvrir un peu d’eau et quelques maigres pâturages.

 

 

L’habitation borena répond très exactement aux besoins de leur vie nomade. Constituée d’une armature de branches en berceau couverte de palmes tressées, elle se démonte vite et, légère, se charge facilement à dos de chameau. Comme nombre d’autres travaux considérés comme indignes des hommes, l’installation du campement est une affaire de femmes. Ces dernières, en à peine quelques heures, savent faire surgir un véritable village là où il n’y avait rien. il leur incombe aussi, entre autres tâches, de puiser l’eau, de ramasser le bois à brûler, de traire les bêtes et, bien entendu, de s’occuper des enfants.

Aux hommes reviennent les travaux considérés comme plus nobles, tels que creuser les puits, abreuver les troupeaux et, à certaines périodes de l’année, récolter le sel au fond de cratères endormis, dont le plus connu, El Sod, près des puits de Dublock, recèle un étang aux eaux noires et opaques, très chargées en dépôts, que les pasteurs exploitent depuis toujours. Ils en tirent un sel blanc destiné à l’alimentation des hommes, plus ou moins précieux selon la profondeur de son extraction, ainsi qu’une boue de couleur foncée qui recouvre le fond du lac et qui, riche en sels minéraux, est donnée au bétail.

 

Comme la plupart des nomades, les Borena complètent leurs ressources par un peu de commerce, si bien que leur surplus de sel s’ajoute à la viande et aux produits animaux, parfois à l’ivoire, qu’ils échangent au cours de leurs itinérances — principalement avec les agriculteurs konso — contre des céréales, du thé, du tabac et du miel.

 

Le plus important de tous les devoirs des hommes reste cependant de protéger le groupe des attaques de tribus hostiles. Pour les Borena, la guerre est une nécessité. C’est inexorable. La stabilité, l’harmonie comptent parmi les valeurs essentielles à l’intérieur du groupe, mais n’ont plus aucun sens dès qu’il s’agit des groupes voisins, ennemis par définition, en tant que rivaux dans le partage des ressources vitales.

 

Source : http://joachimj.club.fr

 

 

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